Sécurité routière

Suspension de permis de conduire et entreprise : que disent les textes ?

En Moselle, en janvier, 283 permis de conduire ont fait l’objet de suspensions provisoires. Une statistique en hausse. Zoom sur le détail des infractions. Des données qui posent cette question dans le cadre professionnel : quelle attitude adopter pour le chef d’entreprise si l’un de ses collaborateurs se voit suspendre son permis de conduire ? Que dit la loi ? Éléments de réponse.


185 suspensions provisoires immédiates du permis de conduire en décembre dernier et 283 ce mois de janvier en Moselle.
185 suspensions provisoires immédiates du permis de conduire en décembre dernier et 283 ce mois de janvier en Moselle.

La préfecture de la Moselle a communiqué les chiffres de la sécurité routière pour ce mois de janvier. Le nombre de permis de conduire faisant l’objet de suspensions provisoires immédiates suite à des infractions commises sur nos routes a été de 283. Pour le même mois de janvier, cette statistique était de 239 en 2022, 213 en 2021 et 223 en 2020. Que dit plus précisément ce nombre de 283 ? Dans le détail, 123 suspensions pour alcoolémie, 52 pour excès de vitesse, 108 pour usage de stupéfiants.

Détail des statistiques en Moselle

Pour les suspensions administratives relatives à l’alcoolémie : 80 mesures de suspension immédiate du permis ; 43 dispositifs d’éthylotest anti-démarrage (EAD) mis en place dans les véhicules des personnes verbalisées. Taux maximal d’alcool dans le sang de 3,18 g/l. L’EAD est un dispositif de prévention des risques liés à l’alcool au volant. Le principe de l’EAD est de n’autoriser le démarrage du véhicule dans lequel il n’est installé qu’à la condition que la quantité d’alcool mesurée dans le souffle du conducteur soit inférieure au seuil de 0,90 mg/l. Il peut être imposé aux conducteurs par le préfet de département comme alternative à la suspension du permis de conduire ou après avis de la commission médicale, ainsi que par décision judiciaire. Pour les suspensions administratives relatives aux excès de vitesse : la vitesse maximale retenue pour ce mois de janvier est de 130 km/h pour une vitesse autorisée de 50 km/h (infraction commise sur la commune de Morlange). On peut également souligner un excès de vitesse à 121 km/h pour une vitesse autorisée de 50 km/h (infraction commise avenue des deux fontaines à Metz). Enfin, on notera un excès de vitesse à 140 km/h pour une vitesse autorisée de 70 km/h (infraction commise sur la route départementale 633 à hauteur de Saint-Avold). Pour les suspensions administratives relatives aux stupéfiants : la consommation de cannabis est présente dans 94,4 % des dossiers de suspension après conduite sous stupéfiants. Viennent ensuite la cocaïne (7,4 %), les amphétamines (4,6 %) et les opiacés (3,7 %). On comptabilise deux dossiers qui incluent la conduite d'un véhicule avec un téléphone tenu en main, l'une de ces infractions ayant été commise concomitamment avec celle d'un changement de direction sans avertissement préalable (clignotant) et l'autre commise simultanément avec celle du non-respect de l'arrêt au stop. La moyenne d'âge de la majorité des contrevenants se situe dans la tranche des 26-35 ans.

Retrait de permis en dehors du travail

Le salarié - leur nombre est de quelque 250 000 en Moselle - peut se trouver dans l'impossibilité d'exécuter son travail si son permis de conduire est retiré ou suspendu. Si le retrait de permis est la conséquence d'une infraction commise dans le cadre de la vie privée du salarié, l'employeur ne peut pas le sanctionner, mais peut envisager un licenciement si ce retrait perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Si en revanche l'infraction a été commise au temps et au lieu du travail, l'employeur peut exercer son pouvoir disciplinaire. Le retrait ou la suspension du permis de conduire pour une infraction au Code de la route commise en dehors du travail ne peut jamais justifier une sanction disciplinaire quelle qu'elle soit. En effet, un fait commis dans le cadre de la vie privée du salarié ne peut pas justifier une sanction disciplinaire et un licenciement prononcé sur ce fondement serait considéré comme abusif (Cass. soc. 3-5-2011 n° 09-67.464). Dès lors, l'employeur peut-il exiger d'un salarié qu'il lui présente son permis de conduire pour s'assurer qu'il n'est ni suspendu, ni annulé ? Oui, si les fonctions occupées exigent la détention d'un permis de conduire valable. Dans ce cas, une clause du contrat de travail peut stipuler que la détention d'un permis de conduire valable est essentielle à l'exercice des fonctions et que le salarié est tenu d'informer l'employeur en cas de retrait ou de suspension de celui-ci. Mais l'employeur ne peut pas demander au salarié de justifier du nombre de points qu'il possède car il s'agit d'une information personnelle.

Maintien du contrat de travail ou licenciement ?

Si le salarié est empêché d'exécuter tout ou partie de son travail par la perte de son permis de conduire, des solutions temporaires peuvent être trouvées, en accord avec l'employeur, pour maintenir le contrat de travail le temps que l'intéressé récupère son permis : le salarié peut trouver des solutions alternatives pour venir travailler (transports en commun, vélo, covoiturage,...), être temporairement affecté à d'autres fonctions, ou encore prendre des congés. Un licenciement peut toutefois être envisagé s'il empêche le salarié d'exécuter correctement son travail. Trois cas de figure doivent être envisagés. Dans le 1er cas, le contrat de travail du salarié a pour objet principal la conduite d'un véhicule (routiers, chauffeurs livreurs, ambulanciers...) et le retrait ou la suspension de son permis de conduire l'empêche d'exécuter les fonctions pour lesquelles il a été recruté : le licenciement peut alors être envisagé. Dans le 2e cas, le salarié n'a pas besoin de son permis de conduire pour exécuter son travail : la perte de celui-ci ne peut pas justifier un licenciement. Dans le 3e cas, le salarié exerce des fonctions qui impliquent la conduite d'un véhicule, et les déplacements sont essentiels à la réalisation de la prestation de travail (commerciaux) : le licenciement n'est justifié que si la suspension ou le retrait du permis rend impossible l'exécution du travail. Si le salarié peut poursuivre l'exécution normale de son contrat de travail (en prenant une solution alternative de transport), l'employeur ne peut pas rompre le contrat. Avant de prendre une décision, il doit vérifier si la convention ou l'accord collectif applicable dans l'entreprise prévoit des dispositions sur cette question. Le texte peut en effet lui imposer de reclasser le salarié dans un poste sédentaire, ou de participer au financement de stages de récupération de points.

Comment motiver un licenciement ?

Dans la mesure où la perte du permis de conduire n'est pas fautive, le licenciement disciplinaire est exclu. Mais le licenciement peut être motivé par le trouble au bon fonctionnement de l'entreprise résultant de la perte de son permis par le salarié. L'employeur doit être en mesure de justifier des perturbations subies du fait de la suspension ou du retrait du permis de conduire de son salarié. Ce licenciement ouvre droit au préavis et aux indemnités de rupture. Aucune indemnité compensatrice n'est due au salarié dont l'exécution du préavis est impossible en raison de la suspension de son permis de conduire lorsqu'il est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Il en va autrement si l'employeur est en mesure d'occuper le salarié à d'autres tâches ou s'il le dispense d'exécuter son préavis. Si la suspension ou le retrait du permis de conduire résulte de raisons médicales, l'employeur doit orienter le salarié vers le médecin du travail. Celui-ci peut préconiser des mesures d'adaptation du poste de travail ou déclarer le salarié physiquement inapte à occuper son poste de travail. Sauf indication contraire du médecin du travail, l'employeur devra chercher à reclasser le salarié sur un poste adapté à ses capacités, après avoir consulté le comité social et économique. Si cela s'avère impossible, l'employeur doit notifier au salarié, par écrit, les motifs s'opposant au reclassement. Il peut ensuite engager une procédure de licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. L'infraction au Code de la route commise par le salarié pendant le temps de travail et/ou au volant d'un véhicule de l'entreprise peut constituer une faute disciplinaire justifiant le prononcé d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Si l'employeur envisage de faire usage de son pouvoir disciplinaire, il doit veiller à bien motiver sa sanction : ce n'est pas, en soi, le retrait du permis de conduire du salarié qui la justifie, mais le comportement du salarié. L'infraction au Code de la route en elle-même peut justifier la sanction (excès de vitesse, répétition d'infractions ayant conduit à la perte des points, responsabilité d'un accident de la route ayant abîmé un véhicule de l'entreprise, etc.). Le fait de conduire un véhicule de l'entreprise sans avoir informé l'employeur de la suspension de son permis peut également justifier le prononcé d'une sanction. Si le retrait du permis de conduire résulte d'un comportement dangereux du salarié, pour lui-même ou pour des tiers, le licenciement peut être motivé par une faute grave privative des indemnités de rupture : ce peut être le cas, par exemple, en cas d'excès de vitesse ou de conduite en état d'ébriété.

«L'employeur ne peut pas demander au salarié de justifier du nombre de points qu'il possède sur son permis de conduire car il s'agit d'une information personnelle.»