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Reconversion des cadres : des freins majeurs demeurent

Deux ans après la fin du déconfinement, alors que la crise sanitaire a favorisé les périodes de réflexion, d’introspection et  boosté les attentes des cadres, une minorité d’entre eux franchit réellement le cap d’une reconversion professionnelle. C’est ce que révèle la dernière étude de l’Apec. Ils sont quelque 40 000 individus en Moselle à se situer dans cette typologie sociologique de l’Insee «cadres et professions intellectuelles supérieures». Sans doute, beaucoup, se retrouveront-ils dans ce panorama.



Si un cadre sur trois envisage une reconversion professionnelle, moins d'un sur dix la réalise.
Si un cadre sur trois envisage une reconversion professionnelle, moins d'un sur dix la réalise.

31 % des cadres indiquent avoir un projet de reconversion pour changer de métier. Et, cette intention est plus répandue chez les cadres au chômage (60 %) et ceux de moins de 35 ans (45 %). En revanche, elle concerne moins les cadres évoluant dans des secteurs ou des fonctions dynamiques, dans des métiers en tension comme l’informatique ou l’ingénierie R&D, par exemple. Ce désir de reconversion reste néanmoins au stade de simple idée pour une grande majorité des actifs. Seuls 8 % des cadres affirment avoir véritablement entamé des démarches pour un projet de reconversion. En outre, ce désir signifie certes un changement de métier, mais pas nécessairement un changement radical : dans plus de 6 cas sur 10, le choix du cadre est de s’orienter vers un métier proche de son métier actuel. Seuls 15 % des cadres ayant un projet de reconversion optent pour un métier radicalement différent.

Des difficultés prégnantes

Ceux-ci souhaitent rompre avec leur situation présente en changeant d’abord de secteur d’activité (82 %), de région (54 %) ou en se mettant à leur propre compte (56 %). Derrière ce désir de reconversion, le changement radical de métier est marginal. La reconversion est vue comme une démarche difficile pour 56 % des cadres. Le choix de se tourner vers un métier proche de celui actuellement exercé découle en partie du sentiment de difficulté associé à la reconversion, y compris chez les cadres qui ont un projet bien défini en tête. En effet, se reconvertir n’est pas perçu comme une démarche aisée par une majorité de cadres (56 %), encore plus lorsqu’ils n’ont pas encore entamé des démarches concrètes (59 %). Les cadres ayant un désir de reconversion considèrent comme particulièrement complexe l’identification de la viabilité du projet au début du parcours (46 %). Et 54 % des cadres pensent qu’il leur sera difficile de convaincre les différents interlocuteurs qu’ils auront à rencontrer, que ce soit pour obtenir un poste ou dans le cadre d’une création d’entreprise. En revanche, ils appréhendent moins le transfert ou l’acquisition de nouvelles compétences qui sont jugés nécessaires. Ayant conscience du besoin de formation, ils y sont généralement ouverts pour une durée comprise entre six et douze mois.

Six typologies de reconversion

La perception de la difficulté du processus de reconversion correspond aussi pour les cadres à certains sacrifices à consentir. Ainsi, environ 4 cadres sur 10 affirment être prêts à accepter une rémunération plus faible (42 %) ou des horaires de travail plus importants (41 %) dans le cadre d’une reconversion. Une partie encore plus importante d’entre eux renoncerait également à certains avantages comme le statut de cadre (50 %), un poste à responsabilités (63 %) ou des fonctions managériales (66 %). La peur de se tromper, le sentiment de ne pas avoir les moyens financiers, l’appréhension de moins bonnes perspectives de carrière sont ici les principaux freins que doivent surmonter les candidats et candidates à une reconversion. Également, seuls 15 % des cadres ayant justement un projet de reconversion optent pour un métier totalement différent. Dans plus de 6 cas sur 10, le choix s’oriente vers un poste proche de leur métier. L’enquête de l’Apec révèle six typologies de reconversion. La reconnexion à une passion, soit le souhait de transformer une passion en métier ou de revenir vers une vocation abandonnée ; la quête de sens ou ce désir de s’orienter vers des métiers correspondants à ses valeurs, utiles à soi-même ou à la société ; la nécessité de rebondir, soit ce besoin de retrouver un emploi et/ou de préserver sa santé physique pu psychologique ; le désir de promotion sociale ou la recherche d’une ascension professionnelle et sociale avec la volonté d’obtenir un meilleur statut, plus de responsabilités ; la recherche de meilleures conditions de vie et de travail avec cette ambition de se réorienter pour améliorer ses conditions de travail et sa qualité de vie ; l’envie d’un second souffle et cette priorité de dépasser une certaine lassitude en donnant une dynamique nouvelle à sa carrière.

Le nécessaire accompagnement

Dès lors, le point de départ du projet de reconversion professionnelle n’est pas toujours unique et facilement identifiable. Si les déclencheurs strictement positifs (opportunité professionnelle, attrait pour une nouvelle activité) existent, la genèse est plus généralement une situation d’insatisfaction au travail parfois liée à des éléments de la vie personnelle. L’interaction entre les contextes professionnel et personnel d’un individu à un moment clé constitue un système de contraintes plus ou moins fortes qui joue sur l’émergence et l’orientation du projet de reconversion professionnelle. Les motivations peuvent se combiner, se clarifier et surtout évoluer au fur et à mesure de la construction et de l’avancée du projet. Une partie des cadres portent leur projet de manière totalement autonome de l’émergence du désir de reconversion jusqu’à son aboutissement. Cette autonomie masque un réel manque d’information des cadres sur les réalités de la reconversion (la maturation du projet, les démarches adaptées à chaque situation, les aides financières et les formations disponibles). Ils ont une mauvaise connaissance du conseil en évolution professionnelle qui les fait passer à côté de la pertinence d’un accompagnement global ou ciblé à certaines étapes de la reconversion. L’accompagnement est personnalisé et répond au fort besoin d’écoute et de confiance des cadres en reconversion, notamment ceux qui ont la nécessité de rebondir ou qui sont à la recherche d’un second souffle. Il permet de bénéficier d’un regard extérieur et du recul sur leurs aspirations et leurs besoins, pour élaborer un projet adapté à leur cas spécifique et viable. Au final, il s’agit de se poser les bonnes questions : savoir ce que l’on veut faire et pas faire, Tout finalement débute ici par une introspection personnelle, laquelle dépasse souvent le simple cadre de sa trajectoire professionnelle, tout aussi émérite soit-elle...

Financement et compétences 
Pour leurs projets de reconversion, les cadres sont confrontés à la question du financement. Le recours à un autofinancement partiel ou total est fréquent même pour ceux qui bénéficient du CPF. Les attentes des cadres sont fortes pour trouver des sources de financement complémentaires ou alternatives, notamment dans la création d’entreprise, et éviter l’abandon d’un projet de reconversion, faute de moyens financiers. Ils ont aussi conscience du besoin de formation pour l’acquisition de nouvelles compétences nécessaires pour le futur métier dans le cadre d’une reconversion. La durée de la formation est un élément central de la stratégie de reconversion en raison de l’investissement en temps et en énergie ainsi que du coût financier indirect. L’incertitude plane également sur la qualité de la formation, sur son niveau de diplôme ou de certification, sa possible combinaison avec ses contraintes personnelles.