Urbanisme
Programmes immobiliers : et si, en 2021, on osait déroger ?
L’année 2020 fut particulière pour tous les secteurs, y compris celui de la construction et de la promotion immobilière. La relance de l’activité et l’accélération des programmes immobiliers passent par la nécessité de s’approprier les outils existants pour optimiser le potentiel de constructibilité. L’année 2021 devrait être celle de l’adaptation des règles d’urbanisme à la crise et voir se multiplier les demandes de dérogations, pour faciliter l’émergence des projets.

Osons les adaptations mineures…
Le
principe selon lequel il est proscrit de déroger aux règles et
servitudes définies par un plan local d'urbanisme (PLU) connaît une
exception. Il est en effet possible d’adapter ces règles, à la
marge, lorsque la nature du sol, la configuration des parcelles ou le
caractère des constructions avoisinantes le justifient.
Cette
possibilité est pourtant insuffisamment utilisée tant par les
autorités en charge de la délivrance du permis de construire que
par les pétitionnaires eux-mêmes. Il est vrai que l’adaptation
doit rester mineure. A titre d’exemple, un dépassement de 85 cm de
la hauteur maximale sur une des façades de la construction peut être
regardé comme une adaptation mineure (CE,
15 novembre 2000, n°194649). A l’inverse, tel n’est
pas le cas pour une implantation en limite alors que le document
d’urbanisme impose un recul de trois mètres (CE,
12 mai 1989, n°66935). L’intérêt réside surtout dans
le fait que l'administration qui relève une ou plusieurs
non-conformités du projet aux règles du PLU a l’obligation de
vérifier si le projet peut ou non bénéficier d'une adaptation
mineure aux règles de ce PLU. Il en est ainsi même si aucune
demande en ce sens n'a été formulée par le pétitionnaire (CE,
11 février 2015, n° 367414).
Celui-ci peut également se prévaloir de cette
exception pour la première fois devant le juge administratif, pour
éviter parfois la contrainte du dépôt d’un permis modificatif.
…et
dérogeons !
Par
un décret n°2020-412 du 8 avril 2020, le gouvernement a pérennisé
le droit pour les préfets de déroger, à certaines normes, dans un
souci de simplification du droit et dans un contexte sanitaire
inédit. Il faut préciser que ce décret intervient au terme d'une
expérimentation de deux ans et demi. En pratique, le préfet ne peut
déroger qu'à des normes arrêtées par l'administration de l'Etat,
et ne peut prendre que des décisions non réglementaires.
Naturellement, il ne peut agir que dans son champ de compétence et
la décision de déroger doit être justifiée par un motif d'intérêt
général et l'existence de circonstances locales. Cette décision
prend la forme d'un arrêté motivé, publié au recueil des actes
administratifs de la préfecture.
L’outil
est intéressant car il doit avoir pour effet d'alléger les
démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou
de favoriser l'accès aux aides publiques. L'exercice du pouvoir de
dérogation préfectorale peut porter sur toutes les demandes ayant
trait à la construction, au logement et à l’urbanisme. A titre
d’exemple, il serait ainsi possible pour certains projets de
déroger aux seuils d'autorisation de la nomenclature « loi sur
l'eau », à la durée d'instruction des permis de construire
délivrés par l'Etat et relevant de sa compétence, ou de
dispenser des constructions de toute formalité en termes de seuils
de taille, par exemple, pour
les panneaux photovoltaïques installés sur des constructions.
Pour
accélérer les programmes immobiliers
Concrètement,
cette possibilité de dérogation présente l’intérêt de
permettre de surmonter les obstacles aux opérations de construction
et d’accélérer les programmes immobiliers.
En outre, dans certaines communes (zone tendue, ou dans lesquelles s’applique la taxe sur les logements sociaux et en fonction de leur taille), il peut être autorisé des dérogations au document d'urbanisme, pour lever les obstacles en termes de gabarit et de densité. A titre d’exemple, il est envisageable de déroger aux obligations en matière de création d'aires de stationnement pour autoriser la surélévation d'une construction achevée depuis plus de deux ans. Dans ces communes, les projets de construction de logements sociaux et une densification pourrait être facilités, alors même que les PLU ne sont pas adaptées.
La
relance et l’accélération des programmes immobiliers sont des
objectifs ambitieux et aujourd’hui, plus que jamais, cruciaux.
Osons donc utiliser pleinement les outils juridiques existants.
Jean-Baptiste DUBRULLE, avocat, spécialiste en droit de l’urbanisme