Écologie - consommation

Notre assiette, un casse-tête «durable»

Comment respecter à la fois la planète, les producteurs, tout en nourrissant de manière équilibrée tous les citoyens ? Les politiques publiques s'efforcent de prendre en compte l'ensemble de ces paramètres. La France expérimente un dispositif d'affichage sur l'impact environnemental des produits alimentaires.

«Tous les scénarios concernant l'alimentation associent santé de l'individu et environnement», prévient Pierre Combris, président du FFAS, Fonds français pour l'alimentation et la santé, organisme public de veille. Le 30 mars, il organisait une web conférence consacrée à l’«Alimentation et environnement». L'enjeu ? «Il n'est pas simple d'associer qualité nutritionnelle des aliments et impact environnemental faible, surtout si la contrainte financière est forte», résume Pierre Combris. La définition d'«alimentation durable», donnée en 2010 par la FAO, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (ONU), donne la mesure de la complexité du sujet : elle cumule faible conséquence sur l'environnement, sécurité alimentaire et nutritionnelle, vie saine pour les générations présentes et futures, équité économique, accessibilité... Une définition «très ambitieuse», commente Nicole Darmon, directrice de recherche à l’INRAE, Institut national de la recherche agronomique.

Un petit panorama de la manière dont se nourrissent les Français et l'étude des interactions entre cette multitude de paramètres pour un même aliment, donne une idée du chemin à parcourir. En France, le coût moyen journalier de l'alimentation des adultes est estimé à 8 euros. Mais «il existe des inégalités d'accès à l'alimentation», souligne Nicole Darmon. Or, «la contrainte budgétaire explique en partie des choix alimentaires qui sont en moyenne défavorables du point de vue nutritionnel», explique la chercheuse. Du point de vue environnemental, l'impact carbone de l'alimentation des adultes en France s'élève à 4 kg équivalent CO2 par jour. Mais là aussi, la moyenne masque des différences. Et des études récentes ont réservé des surprises : «Nous pensions que qualité nutritionnelle et faible impact environnemental étaient liés. Or, c'est l'inverse», pointe Nicole Darmon. Par exemple, à poids égal, la densité énergique d'une nourriture industrialisée (chips, gâteaux...) est supérieure à celle d'un panier de diète méditerranéenne (fruits, légumes, pâtes..). Toutefois, ce type de comparatif demeure très théorique par rapport aux pratiques alimentaires constatées, et donc, peu significatif, d'après la chercheuse. Les études ont d'ailleurs montré qu'en France, un adulte sur cinq a déjà adopté une alimentation «plus durable, plus équilibrée, et avec un impact environnemental plus faible de 20 % en moyenne.(…). Il s'agit d'une alimentation diversifiée, frugale, flexitarienne, et en moyenne, moins chère», poursuit Nicole Darmon. Concrètement, ces pionniers de l'alimentation durable mangent de toutes les catégories d'aliments, mais s'écartent des pratiques les plus généralisées : ils optent pour moins de viande et plus de fruits, légumes et céréales complètes. Or, globalement, ces derniers, outre un apport nutritionnel important, sont aussi ceux qui présentent l'impact environnemental le plus modéré.

Le panier «durable» hebdomadaire idéal devrait permettre d'éviter 40 % d'émission de CO2, par rapport à nos pratiques actuelles. Les principaux changements pour y parvenir ? Passer de 2,5 kg à 4 kg de fruits et légumes, de 700 à 250 grammes de viande et charcuterie, et remplacer la baguette par du pain complet... Pour Nicole Darmon, c'est possible. D'ailleurs, une récente étude a montré une baisse de la consommation des produits carnés...