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La création d’entreprise en Moselle est entrée dans le monde d’après

Avec 11 327 entreprises créées en 2022, la Moselle a battu un record en la matière qui datait de l’année précédente. Toutefois, cette donnée brute révèle bien des vérités qui dépassent une simple changement de paradigme. Décryptage.

De plus en plus de Mosellanes et de Mosellans se lancent dans des initiatives liées aux enjeux sociétaux et environnementaux.
De plus en plus de Mosellanes et de Mosellans se lancent dans des initiatives liées aux enjeux sociétaux et environnementaux.

+ 0,63 %. C’est l’augmentation du nombre de créations d’entreprises en Moselle de 2021 à 2022. Soit un gain d’une centaine de nouvelles entités d’une année sur l’autre, selon les données de l’Insee. Cela peut paraître modeste par rapport à la progression observée depuis 2019, soit avant la crise pandémique : + 36 %. On a souvent tendance à dérouler le schéma de la création entrepreneuriale en 2020 comme une parenthèse, une année «off». Or, c’est là que tout a basculé. Dans une période faite de confinements, couvre-feux, restrictions sanitaires et pléthore d’adaptabilités à la crise sanitaire, le nombre des créations s’est envolée en Moselle : + 25 % de 2020 à 2022. Le phénomène fait l’objet de nombreuses études, tant sociétales qu’économiques.

Plus qu'une évolution conjoncturelle...

Une évolution interpelle. Sur la période 2019-2022, le taux des créations de sociétés dans le département est resté stable, oscillant entre 22 % et 24 %. Ce qui est le plus spectaculaire, c’est la courbe affolante des micro-entreprises. En 2019, cette donnée s’affichait à 4 203 unités, soit 50 % du total des entreprises créées dans le département. En 2022, elle était de 7 146 (+ 70 % en trois ans). En ce début 2023, la micro-entreprise en Moselle représente plus de six nouvelles créations sur 10. Plus que des chiffres, c’est un changement de paradigme majeur, une révolution. La simplicité de ce statut n’est sans doute pas la seule raison de cette emballement. Le boom de la micro-entreprise semble s’être fait au détriment des entreprises individuelles classiques, voire du statut d’indépendant. Ces derniers pesaient, en 2019, 26 % de la création. En 2022, la proportion a fondu à 13 %. La sécurité, le bien-être, l’accomplissement de soi : voilà un triumvirat à la une des actualités. Un courant qui traverse toutes les strates de la société, la sphère entrepreneuriale n’y échappant pas. C’est dans ces créneaux et au travers d'activités aux multiples visages que beaucoup de Mosellanes et Mosellans ont largué les amarres vers un nouveau dessein d’entrepreneur. En somme, voler de ses propres ailes pour s’épanouir, s’accomplir, rebondir, sortir du salariat. Il y a aussi, ne nous le cachons pas, aux côtés de l’entrepreneuriat volontaire, un entrepreneuriat de contrainte - demandeurs d’emploi stagnant dans leurs recherches, fin de droits -.

De nouvelles aspirations de travail

Démotivation, lassitude, démission silencieuse, recherche de sens dans son travail, d’un meilleur partage de valeur, préférence pour le télétravail : voilà des termes en vogue. Sur fonds de crises sanitaire, écologique, de pouvoir d’achat, le rapport au travail en entreprise ressort bouleversé de la pandémie. Quand en 1990, 60 % des Français disaient que le travail était très important dans leur vie, ils ne sont plus que 24 % à le penser en 2022. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne veulent plus travailler. Ainsi, dans le paysage cosmopolite de la création d'entreprise mosellane, on voit apparaître ces trois dernières années des projets portés par l’adaptation au changement climatique, la mobilité douce, la chasse au gaspillage, une consommation éthique, l’économie circulaire, la réalité virtuelle et la réalité augmentée, la sécurité dans la vie réelle ou sur internet. Marché en vogue : celui des télétravailleurs.

Bon pour soi, bon pour la planète

Pour conserver à l’entreprise son attractivité, les directions des ressources humaines s’activent sur la fidélisation des talents. En somme, veiller à la sécurité psychologique des collaborateurs, à leur bien-être, à l’équité dans les rémunérations, à la pratique d’un management bienveillant et inclusif. Laisser aux salariés une flexibilité dans le choix de leur mode de travail, donner de la reconnaissance, développer la marque employeur : des défis immenses. On le sait, les dernières années ont mis à mal le moral de beaucoup d’entre nous. Il ne faudrait en rien vouloir mettre, comme la poussière sous le tapis, minimiser les conséquences des fractures psychiques nées durant les instants les plus rudes de la période pandémique. Quelque chose de profond s’est ancré dans les racines de notre vivre ensemble. La crise énergétique, l’inflation, la guerre en Ukraine n’arrangent pas les choses. Dans la morosité ambiante, le besoin de dorloter corps et âme n’a jamais été plus prégnant. C’est aussi l’une des tendances fortes de la création d’entreprise sur ces thèmes : préservation de la santé physique et mentale, retour à soi et expression de soi, lien entre alimentation, activité physique, sport et santé. Le leitmotiv 2023 de la création d’entreprise en Moselle devrait, pour une large part, se centrer sur cette priorité : bon pour soi, bon pour la planète.