Droit social

L’entreprise et les salariés 

Revue de récentes décisions de la Cour de cassation, en matière de droit du travail.

Santé au travail : inaptitude

Maintenir délibérément un salarié déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail en inactivité forcée au sein de l’entreprise, sans évolution possible, constitue un manquement suffisamment grave justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur. (Cass. soc., 4 novembre 2021, pourvoi n° 19-18908).

Le point de départ du délai d’un mois à l’expiration duquel l’employeur doit reprendre le paiement des salaires d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail est la date de l’examen médical de reprise, et non la date de notification de l’avis d’inaptitude à l’employeur. (Cass. soc., 1er décembre 2021, pourvoi no 19-20139).

Santé au travail : harcèlement moral

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il revient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. (Cass. soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 19-26114)

Réintégration du salarié : impossibilité, congés payés

En application de l'article L. 2422-1 du Code du travail, le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être, s'il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. Il en résulte que l'employeur ne peut licencier un salarié à la suite d'un licenciement pour lequel l'autorisation a été annulée que s'il a satisfait à cette obligation ou s'il justifie d'une impossibilité de réintégration.

La Cour ayant constaté que, tenu par son obligation de sécurité dont participe l'obligation de prévention du harcèlement moral, l'employeur ne pouvait pas réintégrer la salariée dès lors que celle-ci était la supérieure hiérarchique des autres salariés de l'entreprise, lesquels soutenaient avoir été victimes du harcèlement moral de cette dernière et avaient à ce propos exercé leur droit de retrait, l'impossibilité de réintégration était caractérisée. (Cass soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 19-25715).

Sauf lorsque le salarié a occupé un autre emploi durant la période d'éviction comprise entre la date d'un licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période. (Cass. soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 19-24766).

Licenciement économique : CSP

En l'absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) devenant sans cause, l'employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du Code du travail. (Cass. soc., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-10636).

Cadres dirigeants : heures supplémentaires

Sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Pour la Cour de cassation, une cour d’appel ne saurait donc débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires sans caractériser que, dans l’exercice de ses fonctions, le salarié était effectivement habilité à prendre des décisions de façon largement autonome. (Cass. soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 19-26264).

Durée du travail : heures supplémentaires

La fixation par voie conventionnelle de la durée du travail applicable dans l’entreprise à un niveau inférieur à la durée légale n’entraîne pas, en l’absence de dispositions spécifiques en ce sens, l’abaissement corrélatif du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. (Cass. soc., 1er décembre 2021, pourvoi n° 20-12700).

François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale