Gazettescope

Gazettescope : en télé ou en travail ?

Le télétravail est sans doute un symbole de notre époque hyperconnectée, où la communication est partout, tout en mettant si souvent en jachère l'interaction entre les personnes. Bienvenue dans la Quatrième Dimension de la relation humaine, dans laquelle sont entrés les salariés mosellans. Le temps d'une crise ou ad vitam æternam ?

Gazettescope : en télé ou en travail ?

300 000. C’est à quelques unités près le nombre de salariés travaillant dans les entreprises privées et publiques de la Moselle. Combien auront été au moins une fois en télétravail depuis le début de la crise sanitaire ? Beaucoup d’entre eux auront découvert le monde du travail hors du bureau. Une sorte de Quatrième Dimension de notre époque. Avec ses régalades. Les enfants qui galopent, en train de traîner dans vos jambes, pendant que vous appelez votre boss - car bien sûr l’école est fermée en raison de la Covid-19 -, Médor qui aimerait bien aller faire sa petite balade quand vous répondez à votre 50e mail de la mi-journée, Minou qui grimpe sur le clavier de votre ordinateur au moment où vous tapez le rapport de stats du mois, plus qu’à tout recommencer… Et cette satanée imprimante qui tombe en rade.

Les Terminator du travail

Voilà qui donne envie d’échapper un moment à cette longue journée de télétravail. Un petit footing incognito, une discrète petite pause Netflix sur le canapé. On se risquerait même à oser aller faire quelques courses entre deux visio. Après tout, il y a une chance sur un million de croiser son manager au supermarché du coin. Le vendredi, après-midi, quand tout le monde a la tête au week-end, on peut même penser à entamer quelques travaux de bricolage. Pas très productif, tout cela ? Chut… Ah, la douce joie du télétravail. Un concept pas nouveau que celui de travailler de son domicile. Et voilà que nos lumineuses élites l’ont dépoussiéré, l’enjolivant d’une affriolante modernité, le temps d’une crise qui finira bien par disparaître. Il est soudainement devenu le nec plus ultra de l’organisation du travail du «monde d’après», le nirvana des RH du futur, l’Eldorado du management tendance. En France, il n’est pas inscrit dans le Code du travail. Alors, demain, un monde rêvé fait de déjeuners Zoom, d’happy hours virtuelles, de salons de discussion ? Le télétravail : moins de stress lié au transport, moins de pollution, un cadre de vie agréable, un immense sentiment de liberté, la réduction des dépenses quotidiennes pour l’entreprise. Et son quotidien en mode Matrix, avec ses salariés Cyborg, rivés à leur écran, dénués de toute interaction humaine, mentalement armés pour assurer un dédale infini de tâches. "Plus vite, plus haut, plus fort", selon le vieil adage sportif.

Un café, un croissant, un sourire... en direct

Bon, le télétravail, c’est sympathique, mais d’écran à écran, on fait comment pour partager le café et les croissants du lundi matin, pour débriefer avec insouciance le week-end, et commencer la semaine dans la cordialité ? Pas simple, non plus, en télétravail, de développer une meilleure connaissance de ses collègues à distance, de nouer des amitiés dans la sphère de l’entreprise en mode virtuel, amitiés qui sont si importantes dans l’engagement des employés. De débloquer de nouvelles idées et de maintenir la motivation envers l’entreprise ? Dans ce modèle d’entreprise sans contacts, sans bureaux, qu’on essaie de nous vendre, comme une mauvaise promo au discount du quartier, il y a cette évidence à prendre en compte : la perte du lien empêche d’avancer efficacement. Quelque part, le télétravail amenuise le travail de terrain. L’entreprise est avant tout une communauté humaine, alliage de caractères et de vécus divers qui s'agrègent pour faire se mouvoir un collectif. La bonne humeur, comme la mauvaise humeur du jour, ça s’apprécie au quotidien et en direct, surtout dans cette crise hystérisée et, à bien des égards disproportionnée, au scénario de très mauvaise série B ! Le télétravail, également, tout le monde n’aime pas cela. L’anti-mode a aussi ses qualités.