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Émilien Gangemi, président de la Capeb 57 : «La crise n’est pas derrière nous...»

La Capeb 57 vient de tenir son assemblée générale. Son président Émilien Gangemi a présenté une note conjoncturelle entre gris clair et gris foncé. Soulignant, la mobilisation des acteurs du bâtiment pour rebondir face à une crise qui est loin d’être finie. Des propos de terrain, offensifs et réalistes.

Émilien Gangemi a présenté une conjoncture et des perspectives sans concession pour l'artisanat du bâtiment. (c) Capeb 57.
Émilien Gangemi a présenté une conjoncture et des perspectives sans concession pour l'artisanat du bâtiment. (c) Capeb 57.

La Capeb 57 a tenu sa 27e assemblée statutaire. Un premier exercice pour son président Émilien Gangemi qui a dressé un bilan sans langue de bois de la situation de l’artisanat du bâtiment : «Après une année 2020 faite d’inattendus, de difficultés en tout genre et de bouleversements, nous avons dû, tous à notre niveau, faire preuve de résilience. Alors, il est vrai, que notre secteur, nous en sommes conscients, n’est pas de ceux qui ont le plus souffert. Nos entreprises ont su s’adapter, se réorganiser et le font encore aujourd’hui car de nombreux effets de la crise subsistent.»

La réalité dépeinte et la réalité terrain...

Émilien Gangemi décrit ensuite une situation en trompe-l’œil, une distorsion entre perception et réalité : «Les dernières notes de conjoncture pourraient laisser croire le contraire, mais attention, le ressenti du terrain est tout autre et les perspectives rendues publiques ces derniers jours, notamment par l’un des plus gros assureurs crédit ne sont pas au beau fixe. Si bien que l’on nous annonce un bond de 40 % de défaillances en France et 15 % dans le monde. L’activité de l’artisanat du bâtiment a certes retrouvé le niveau d’activité de 2019 et le deuxième trimestre 2021 enregistre, par rapport au même trimestre de l’année précédente, une envolée de sa croissance + 37 %. Mais cette conjoncture exceptionnelle évolue cependant dans un contexte incertain au regard de la crise sanitaire, de l’envolée des prix des matières premières et surtout des pénuries de matériaux et de main-d’œuvre. Les chiffres que je viens de citer le démontre, le travail est là et bien là. Autant dans le neuf, que dans la rénovation. Les maîtres d’ouvrages publics comme privés, ont des projets importants et les objectifs de massification des rénovations énergétiques, garantissent un niveau d’activité élevé pour nos entreprises locales. Néanmoins, cette petite musique dont on nous rabat les oreilles et qui court dans les ministères et les salons parisiens, selon laquelle, tout irait bien et que les problèmes seraient derrière nous, commence à nous… fatiguer… ! Non, tout ne va pas si bien que cela ! Et refuser de voir la réalité en face c’est prendre le risque d’aller droit dans le mur… Ce que nous appelons de nos vœux, afin que ces marchés puissent réellement contribuer à la croissance économique de notre pays, ce sont des choses simples, réalistes et de bon sens.»

Matériaux, complexité et main-d'œuvre

Le président de la Capeb 57 a ensuite mis en exergue ce qui préoccupe actuellement nombre d’entreprises du bâtiment : la situation délicate quant aux matériaux. Depuis plusieurs mois, elles subissent une hausse sans précédent des matières premières comme le bois, le cuivre, l’acier, le zinc, le minerai… Outre la tension sur les prix, de graves difficultés d’approvisionnement en produits et matériaux sont aussi identifiés, particulièrement dans les filières bois, métallique, composants d’équipements. Émilien Gangemi note ce paradoxe : «Cette pénurie de matériaux rend difficile l’approvisionnement des chantiers, avec pour conséquences d’en interrompre certains, de rendre difficile le respect des plannings et d’engendrer des baisses d’activité et de rentabilité pour nos entreprises. Nous nous trouvons à l’aube d’un paradoxe inconcevable, solliciter des mesures de chômage partiel pour cause de pénurie de matériaux alors que les carnets de commande sont pleins. Si en marchés publics, des orientations et recommandations ont été données aux maitres d’ouvrages publics, afin de ne pas appliquer de pénalités de retard et de réajuster les prix, la problématique reste entière pour les marchés privés. Les marges des entreprises se trouvent réduites au plus faible voire sont négatives.» Lors de cette assemblée générale, deux freins endémiques à l’activité du bâtiment ont été mis en avant par les professionnels présents : la complexité administrative liée à l’environnement législatif, réglementaire et administratif des entreprises et les difficultés de recrutement. Face aux élus et partenaires, Émilien Gangemi concluait : «Vous pouvez compter sur nous pour faire avancer l’économie locale mosellane, les entreprises ont fait preuve de résilience, et sont prêtes à relever les défis de la croissance et de l’emploi si vous nous en donner les moyens.» Pas de doute, à l'approche des élections présidentielles et législatives, le bâtiment et son artisanat comptent bien s'inviter dans les débats sur les territoires...


«Travaillons ensemble, de concert pour notre département, pour nos entreprises, pour nos concitoyens. N’oublions jamais que tout seul, nous ne sommes rien et que l’individualisme est le pire ennemi de l’Artisanat… Et rassurez-vous, nous pouvons rester indépendants et libres sans être isolés et c’est en collaborant ensemble que nous serons encore plus forts. Et croyez-moi, cet enseignement s’imposera demain quand il faudra que nos TPE et PME ainsi que le modèle d’économie de proximité que nous représentons, résistent face à la voracité et à l’appétit des multinationales et des grandes plateformes web qui chercherons à nous conquérir, voir à nous engloutir… Si nous sommes unis, nous serons indélogeables ! La Capeb est plus que jamais prête à relayer des messages, à amener son regard de terrain et déterminée à agir pour aider nos entreprises à se développer, à défendre le modèle de l’Artisanat du bâtiment, sa spécificité, son savoir-faire, son professionnalisme.»

Émilien Gangemi, président de la Capeb 57.