Conjoncture

Quelle année 2024 pour l'artisanat du bâtiment mosellan ?

En 2023, l’activité des entreprises artisanales du bâtiment a connu un recul. La perte de vitesse progressive de l’inflation et la stagnation des taux d’intérêt sont des facteurs positifs. Mais, les professionnels du secteur sont lucides : l’année 2024 ne verra pas d’amélioration. Ils craignent un recul plus marqué. La note conjoncturelle de la CAPEB le confirme. À l’échelon mosellan, l’heure est à la résistance en ces temps complexes et incertains.

Dans une tendance baissière pour l'activité générale du bâtiment, la couverture résiste mieux que d'autres corps de métiers.
Dans une tendance baissière pour l'activité générale du bâtiment, la couverture résiste mieux que d'autres corps de métiers.

Il y a d’abord les statistiques d’une année. En l’occurrence celles de 2023 que la CAPEB a dévoilé ces jours derniers. Si le recul d’activité que connaît l’artisanat du bâtiment sur l’ensemble des douze mois écoulés est modéré (- 0,6 % en volume) alors que le secteur a été pénalisé par la chute de la construction neuve (- 4,5 % au 4e trimestre), c’est grâce à la quasi-stabilité de l’activité dans la rénovation, soutenue par les travaux d’amélioration de la performance énergétique (+1,5 % en volume), marché de la rénovation sur lequel les entreprises artisanales du bâtiment sont leaders. Par corps de métiers, le ralentissement a été général lors du 4e trimestre 2023. À des degrés divers. - 0,5 % pour les entreprises de couverture-plomberie-chauffage, - 1 % pour celles de l’électricité et d’aménagement-décoration-plâtrerie, - 1,5 % pour celles de la menuiserie et serrurerie, - 2,5 % pour celles de la maçonnerie.

La TPE comme moteur

Globalement, les entreprises artisanales de toute taille ont vu leur volume d’activité décroître de 1,5 % par rapport au 4e trimestre 2022. Aucune région n’est épargnée par ce ressac. La baisse est plus prononcée dans le Grand Est que sur d’autres territoires (- 3 %). Dans notre région, le recul s’affiche de décembre 2022 à décembre 2023 aussi en termes de permis de construire (-10 %) et de logements mis en chantier (- 10 %). Dans ce contexte, la CAPEB alerte sur un paradoxe : «Quand l’ampleur des besoins en matière de rénovations, notamment énergétiques, et les dispositifs de soutien n’ont jamais été aussi nombreux en 2023, les travaux de performance énergétique, qui enregistraient en 2022 une croissance de 3,8 %, ont connu une chute continuelle d’activité pour terminer à + 1,5 %.» La CAPEB poursuit : «L’enjeu dépasse largement l’intérêt propre des entreprises artisanales du bâtiment. Il en va, en effet, de notre capacité collective à faire plus et mieux pour être à la hauteur des défis environnementaux et sociétaux que nous nous devons de relever. En 2024, le gouvernement doit s’appuyer sur la TPE du bâtiment qui, au regard de son potentiel, est en capacité de tirer l’activité du secteur de la rénovation vers le haut. En ce qui concerne le neuf, il faut réinventer le modèle de la promotion immobilière en rompant définitivement avec les dispositifs du passé. Une évolution qui va nécessairement s’inscrire dans le temps.»

Des trésoreries en souffrance

D’autres indicateurs sont à prendre en compte. Quand on sait que 20 % des entreprises artisanales du bâtiment travaillent pour les collectivités locales, 12 % d’entre elles ont enregistré une hausse de leur chiffre d’affaires au 4e trimestre 2023 par rapport à son homologue 2022, et 14 % une baisse. Également, 12 % des entreprises travaillent en sous-traitance : 21 % notent un repli de leur activité de la sorte tandis que 10 % constatent une progression. Le niveau des carnets de commandes représentait 75 jours de travail à venir au 4e trimestre 2023, soit 21 jours de moins qu’un an auparavant. Un niveau similaire à celui observé en 2019 (76 jours en moyenne). La tendance baissière se poursuit donc avec ce contraste entre les nettes difficultés de la construction neuve et la résistance des travaux d’entretien-amélioration. Les entreprises de moins de 10 salariés, comme celles de 10 à 20 salariés sont impactés. Le solde d’opinion sur la trésorerie s’établit à - 10 points (contre - 5,2 points sur le long terme) avec 20 % des entreprises déclarant une détérioration de leur trésorerie et 10 % une amélioration. Au 4e trimestre 2023, 17 % des entreprises faisaient état de besoins de trésorerie (contre 22 % au même trimestre de l’année précédente). Plus d’un tiers déclare un besoin compris entre 20 000 et 50 000 €. Le montant moyen des besoins de trésorerie de ces entreprises s’établit à 25 000 € contre 21 000 € un an auparavant. Quant au marge, 27 % des entreprises déclaraient une baisse, pendant que 11 % notaient une hausse.

Emploi : la prudence est de mise

Enfin, sur le volet de l’emploi, celui salarié du BTP était de 1 588 700 au 3e trimestre 2023, soit une baisse de 0,5 % sur un an (contre + 0,8 % dans l’ensemble des secteurs principalement marchands). L’intérim du secteur, avec 138 446 emplois équivalents temps plein, stagnait par rapport au 3e trimestre 2022 (- 0,2 %). Dans le BTP, le taux de recours à l’intérim s’établissait à 8 %. Au 2e semestre 2023, les entreprises artisanales étaient 30 % à avoir cherché à recruter, une proportion en augmentation par rapport aux trois semestres précédents. 50 % des entreprises ayant cherché à recruter y sont parvenu. Pour ce premier semestre 2024, les intentions d’embauche chutent fortement (- 12 %) par rapport aux intentions affirmées pour le 2e semestre 2023 : les entreprises restent prudentes en période de conjoncture difficile. La proportion d’entreprises envisageant de licencier ou ne pas renouveler des contrats progresse pour atteindre 8 % (5 % au semestre précédent, 2 % au 2e semestre 2023, 1 % au 1er semestre 2022).

Quelle perspectives en 2024 ?

En 2023, l’activité des entreprises artisanales du bâtiment a connu un premier recul, qui se poursuivra de manière plus marquée en 2024. Si la perte de vitesse progressive de l’inflation et la stagnation des taux d’intérêt sont des facteurs potentiellement positifs pour l’activité, de nombreux signaux défavorables compromettent encore une éventuelle amélioration de la conjoncture du bâtiment. En effet, la construction neuve ne montre aucun signe de redémarrage, et l’activité d’entretien-amélioration est affectée par le ralentissement du marché immobilier, avec une baisse des transactions dans l’immobilier ancien et des tensions se reportant sur le marché de la location. Entre un budget conséquent alloué à la rénovation énergétique et les nouvelles modalités de MaPrimeRénov’, l’activité du bâtiment dépendra aussi d’un futur projet de loi logement. Il est encore en attente.

«Obtenir la reconnaissance que méritent les TPE, faire évoluer les modalités de MaPrimeRénov’, simplifier la vie des entreprises et notamment les dispositifs RGE et CEE, faciliter la création des groupements momentanés d’entreprises (GME), mettre en œuvre de véritables parcours de travaux en rénovation énergétique, accélérer la nécessaire attractivité qu’il faut donner à nos métiers, telles sont les priorités de la CAPEB en 2024 pour conforter la TPE comme facteur de réussite pour la France», assure Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB.