Entreprises
2020, année de tous les records pour la Médiation des entreprises
Dans la crise, de nombreuses TPE se sont tournées vers le Médiateur des entreprises, chargé par Bercy d'aider les entreprises à régler leurs différents à l'amiable. Encore plutôt confidentielle, sa démarche pourrait changer d'échelle grâce à un portage politique.

Forcément, une année hors normes. Le 2 février, lors d'une conférence de presse en ligne, Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, a présenté le bilan annuel de la Médiation. La structure, rattachée à Bercy, propose un service gratuit et confidentiel dont peuvent se saisir les entreprises, afin de régler entre elles leurs différents, sans passer par la case tribunal. Crise oblige, en 2020, l'activité de la Médiation a littéralement explosé : elle a été sollicitée 9 615 fois, soit près de cinq fois plus que l'an dernier. Et elle a réalisé 3 540 médiations.
De
plus, une nouvelle mission lui a été confiée, spécifiquement liée
à la crise : servir d'interface entre les entreprises et les
organismes publics compétents, en cas de difficulté d'attribution
des aides. « Nous parvenons à résoudre un certain nombre
de cas, avec une écoute très positive des administrations
publiques », estime Pierre Pelouzet. En temps de crise, des
blocages administratifs, habituellement pénibles, peuvent en effet
prendre une dimension dramatique. Lorsqu'un entrepreneur se voit
refuser une aide parce qu'il a mal rempli les cases d’une demande,
ou parce qu'il a changé de compte en banque, suscitant une
suspicion de fraude...
Parmi
les motifs principaux de saisine de la Médiation, concernant les
différents entre entreprises, les baux commerciaux représentent un
peu plus de 11% des demandes en 2020. « Il s'agit de l'un
des sujets majeurs et qui le reste encore aujourd'hui »,
note Pierre Pelouzet. En effet, le loyer constitue la charge
financière la plus importante qui demeure, pour les commerces,
hôtels ou salles de sport, qui bénéficient par ailleurs du chômage
partiel. Pour autant, avant tout, « la moitié des saisines
sont liées aux conditions de paiement. Il s'agit des retards, mais
aussi, par exemple, de difficultés qui touchent au processus de
facturation », explique Pierre Pelouzet. Exemple :
l'approbation d'une fin de chantier qui traîne, ce qui évite de
procéder au paiement...
Dès
le 23 mars 2020, les signaux d'alerte concernant les retards de
paiement ont pris une telle ampleur que la Médiation a mis sur pied
un comité de crise, avec les représentants du monde économique.
Objectif : « faire face à la montée des
retards de paiement des grands groupes, des ETI, qui ont des
positions clés dans une filière et peuvent créer
des catastrophes en cascade », décrypte Pierre Pelouzet.
Une quarantaine de cas ont été traités et résolus. Parmi eux, un
tiers était le fait d'entreprises qui essayaient de profiter de la
crise pour se faire de la trésorerie, et un tiers, de celles
empêtrées dans des difficultés d'organisation. Le tiers restant
connaissait des difficultés financières.
« Aujourd'hui,
la situation est beaucoup plus calme, mais nous restons vigilants »,
prévient Pierre Pelouzet. En fait, le problème principal actuel est
ailleurs : « nous avons beaucoup de sujets de PME à
PME, voire, à TPE. Le rapport de force peut jouer à tous les
étages », explique le Médiateur. Avec la crise, les
« clients » de la Médiation sont devenus à 80% des TPE,
artisans et commerçants.
Changement
d'échelle ?
Au
delà de la
résolution des conflits existants, la Médiation est également
chargée d'autres missions, qui visent globalement à encourager les
entreprises à adopter des comportements allant vers la coopération,
au delà même de leurs obligations légales. « Je suis
persuadé que la clé de sortie de crise sera la responsabilité,
les engagements, la solidarité économique », plaide
Pierre Pelouzet. Exemple concret, avec les entreprises définies
comme « zombies »,
celles dont tout le monde s'attend à ce qu'elles s'écroulent avec
la fin des aides, car non viables. « Une partie d'entre
elles connaît des difficultés à cause
de problèmes de paiement. S'il existe plus de
solidarité économique, certaines d'entre elles pourraient
rebondir », estime le Médiateur. Pour lui, la crise
actuelle pourrait constituer un moment possible de changement de
comportement. L'augmentation du recours à la Médiation traduit
avant tout l'ampleur de la crise. Toutefois, elle constitue « une
reconnaissance de la valeur du dialogue en temps de crise »,
estime le Médiateur. Autre signal, la « petite vague »
qui commence à prendre, d'adhésion au mouvement
#SolidaritesEconomiques. Mis en place par la Médiation avec de
nombreux partenaires, il s'efforce de fédérer des acteurs
économiques autour de pratiques solidaires. En deux mois, il a
généré 400 publications et touché un million d'utilisateurs sur
Twitter et LinkedIn.
Dans
le même sens, la Médiation n'a pas pratiqué le « name and
shame », sur les grands donneurs d'ordre qui payaient mal
durant la crise. Elle a choisi de mettre en avant 16 entreprises
exemplaires qui ont mis en place des paiements accélérés, sans
attendre les délais légaux, à l'image d'Orange ou EDF. Cela fait
dix ans que la structure de Bercy s'efforce de mettre en place des
outils destinés à encourager des comportements plus vertueux chez
les entreprises. Sa charte « Relations fournisseurs
responsables » comporte
2 000 entreprises adhérentes. Le Label « Relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR) lui, a été adopté par une cinquantaine d'entreprises et organismes publics (Thalès, UGAP, Région Centre-Val-de-Loire, ministère des Armées...). Pour Pierre Pelouzet, le label constitue « un levier formidable pour faire évoluer notre économie. A travers l'achat, on peut porter la responsabilité très loin, au cœur des entreprises », estime-t-il. Aujourd'hui, un changement d'échelle du dispositif semble possible : le projet pourrait trouver un portage politique. Olivia Grégoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable a chargé la Médiation de lui remettre un rapport sur la manière de déployer largement cet outil.