«Continuons de lutter contre la fraude !»

«Continuons de lutter contre la fraude !»

Alors que la convention triennale «les 24  heures du bâtiment» réunira plus de 4 000 entrepreneurs au palais des congrès de paris le 6 octobre, le point avec Jacques Chanut, président de la FFB, sur l’actualité du secteur en cette période de rentrée.

Vous avez choisi de placer votre prochaine convention triennale sur le thème  : «Construire, une passion éternelle !» Pourquoi ?

Le bâtiment est au cœur du quotidien. Ses entreprises maillent le territoire et sont de véritables acteurs de proximité, créateurs de richesse, moteurs d’insertion… Nous voulons faire prendre conscience de cela. Nous voulons aussi montrer l’évolution de nos métiers qui innovent et sont éternels ! On aura toujours besoin de construire ! Le bâtiment n’appartient pas à la vieille économie… Comment se présente la conjoncture en cette période de rentrée ? Nous sommes dans une période où nous relevons la tête et reprenons espoir même si la conjoncture est contrastée suivant les territoires. Le logement neuf est vraiment reparti grâce aux mesures prises ces deux dernières années (régime Pinel de défiscalisation des logements locatifs neufs notamment) mais 80  % de cette activité se concentrent sur 20 % du territoire (plutôt urbain). Le logement social se maintient sur un bon rythme et la commande publique donne des signes de reprise. Seule la rénovation souffre encore.

La FFB annonçait pourtant à l’époque du Grenelle de l’environnement un gisement de chantiers considérable dans l’isolation etc. ?

Ce marché n’est pas à la hauteur de nos attentes. Les économies d’énergie, réalisées, via les travaux, ne suffisent pas à financer ceux-ci et n’incitent pas les propriétaires à se lancer. Si on veut maintenir les objectifs du Grenelle, il faut passer par un accompagnement financier des propriétaires. Seule l’incitation peut maintenir l’objectif en termes de transition énergétique. L’obligation ne sera jamais une solution.

Depuis 2008, le bâtiment a perdu 20 % de son chiffre d’affaires et 10 % de ses effectifs. Quid de la situation aujourd’hui ?

L’impact de la reprise se fait sentir et pour la première fois depuis neuf ans, le bâtiment a créé de l’emploi au 2e trimestre 2017  ! Nous avons évidemment du mal à retrouver les salariés partis et toujours autant à recruter du personnel formé et qualifié. Du fait de la situation économique difficile, nous avons également formé moins de jeunes sur la période… Nous envisageons donc de remettre notamment en place des modules de formation continue pour les anciens employés du bâtiment ou issus d’autres secteurs. Nous allons avoir un trou d’air sinon si l’activité se maintient.

Et devoir peut-être recourir aux travailleurs détachés… À ce sujet, la France souhaite la révision de la directive européenne. Qu’est-il le plus urgent à mettre en place selon vous ?

Entendons-nous bien  : nous ne combattons pas le détachement mais bien la fraude au détachement. Grâce à la mobilisation de nos fédérations, le sujet est aujourd’hui connu. L’arsenal juridique actuel suffit mais pas le nombre de contrôles. Il faut continuer de lutter contre cette fraude, n’avoir aucune pitié pour ceux qui trichent. Modifier la directive est par ailleurs nécessaire pour montrer que la coopération existe dans ce domaine, au niveau européen et que tous les pays ont à y gagner. Nous n’avons jamais vu un modèle économique s’installer sur une fraude et fermer les frontières est une chimère.

Quid de la mise en place de la carte d’identification professionnelle dans le secteur du BTP, justement destinée à lutter contre le travail illégal sur les chantiers ?

Elle est obligatoire depuis juin et essentielle car elle facilite les contrôles et c’est notre intérêt. Elle est d’ailleurs financée par la profession et plus de 500 000 ont d’ores et déjà été distribuées en France.

Plusieurs régions dont l’Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, ont adopté la clause Molière au nom de la lutte contre la fraude au détachement. Y êtes-vous favorable ?

En tant que chef d’entreprise, nous avons une obligation de résultat en termes de sécurité. Il est de notre responsabilité de nous assurer que nos salariés sont bien formés aux rudiments de notre langue. Un vrai chef d’entreprise, quel que soit son pays d’origine, veut de toute façon que les gars qu’il détache sur un chantier soient performants ! C’est notre intérêt à tous.

Artisans / micro-entrepreneurs… la situation est-elle apaisée ?

L’obligation de s’inscrire à la Chambre de métiers et de suivre un stage préalable à l’installation pour un micro-entrepreneur est certes une avancée mais il reste toujours une distorsion d’obligations forte (différentiel au niveau des charges à régler, franchise de TVA jusqu’à 33 000 € pour un micro-entrepreneur…). L’annonce, par le ministre de l’Économie, du doublement du plafond de chiffre d’affaires au-dessus duquel un micro-entrepreneur doit passer au régime de droit commun en 2018, est par ailleurs un signe plutôt négatif. Nous, nous demandons encore et toujours l’équité.

Restons dans l’actualité… Les ordonnances visant à réformer le Code du travail Vontelles dans le sens que vous souhaitez ?

Oui, sur l’aspect fonctionnement pour les entreprises de moins de 50 salariés. Nous avons enfin inversé la logique de toujours plus de contraintes et allons dans le sens de ce qui était attendu. Mon gros regret, c’est que rien ne change au-delà ce qui renforce le seuil des «50» et empêche les chefs d’entreprise de franchir ce cap. Oui, également côté prud’hommes  : le fait que les dommages et intérêts, en cas de litige, devront respecter un montant plafond et, pour les salariés de TPE, un montant plancher, permet à nos entreprises de connaître les barèmes de sanctions. L’idée n’est pas de payer moins mais d’avoir une grille à disposition. N’oublions pas que le résultat net des entreprises du secteur est compris entre 1 et 3 %. Non enfin, côté licenciements : augmenter les indemnités pour tous (elles passeront à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté au lieu d’1/5 actuellement) n’aide pas à l’acte d’embauche.

La révolution numérique est en cours dans le bâtiment avec entre autres la généralisation de l’utilisation de la maquette numérique (Bim). Quid de son impact ?

Elle me rappelle les débuts de la micro-informatique avec d’un côté une attirance (avoir sur un même support l’ensemble des réservations et simplifier ainsi la vie d’un chantier) et de l’autre la crainte d’une standardisation. Notre rôle est de démystifier, d’accompagner cette évolution qui est inéluctable, d’inciter à se former… La FFB Bretagne se dote ainsi ce mois-ci d’un centre de ressources numériques mobile pour informer et former les artisans. C’est une première et un formidable tremplin pour attirer les jeunes dans nos entreprises. Mais, si le numérique va faciliter les choses, ce n’est pas lui qui va faire un bon ou un mauvais salarié !

Quelle est votre priorité aujourd’hui ?

Lutter contre la fracture territoriale  ! Je souhaite que l’environnement réglementaire permette le développement partout en France et que, surtout, on ne touche pas à ce qui fonctionne !