Municipales-Mobilité : métros et trams sont passés de mode

Municipales-Mobilité : métros et trams sont passés de mode

Alors que la mobilité du quotidien constitue une préoccupation croissante, la campagne des municipales se détourne des transports lourds, métros, tramways et bus, qui pèsent sur le budget des collectivités.

Des bornes de recharge électrique, des quartiers «végétalisés», des pistes cyclables, le partage de l’espace public, pourquoi pas des trottinettes… La mobilité urbaine intéresse beaucoup les candidats aux élections municipales du mois de mars. «C’est une préoccupation très importante et très complexe», observe Caroline Daude, chargée de recherche à la direction de la voirie et des déplacements à Paris et rapporteure d’un dossier consacré aux «politiques locales de mobilité pour les six prochaines années» publié par un groupement d’experts appelé TDIE.

Mais, au-delà de l’avènement de ces modes de déplacements plus ou moins nouveaux, où sont passés les transports lourds ? N’y a-t-il donc plus de métros, de tramways, ni même de bus dans les villes ? Ces réseaux structurants, qui mobilisent l’essentiel du budget des collectivités consacré aux transports, sont pratiquement absents des débats préélectoraux. «Comme souvent, on est attiré par la nouveauté», tempère Philippe Duron, ancien député (PS) et coprésident de TDIE. «Depuis 30 ans, les grandes agglomérations avaient développé une approche de l’offre, proposant des transports lourds comme les métros de Lille, Lyon ou Rennes, les réseaux de tramway et les BHNS, bus à haut niveau de service, qui disposent de voies réservées», explique celui qui fut aussi maire de Caen et président de la région Basse-Normandie. Une fois que ces structures étaient installées, explique-t-il, «les villes ont mis en place des systèmes plus légers et partagés, comme les vélos en libre-service». Et depuis quelques années, «les nouvelles mobilités ne dépendent pas seulement des collectivités locales ou de l’État, mais émanent de sociétés privées, qui proposent des vélos sans borne, des scooters électriques et des trottinettes.» Celles-ci, s’amuse l’ancien député, «produisent toutefois une littérature plus importante que leur contribution aux mobilités.»

Des enjeux nouveaux, un coût croissant

Depuis les élections municipales de 2014, d’autres enjeux sont apparus, comme la protection du climat, la pollution atmosphérique, le sort des commerces de proximité ou la généralisation de l’économie numérique, autant de thèmes qui touchent, de près ou de loin, le secteur des transports. Pour résumer, jusqu’à présent, les transports publics déplaçaient des gens et on leur demande, désormais, de sauver la Planète. Les transports collectifs n’ont pas disparu pour autant. Ils rencontrent même, dans les grandes villes, un succès croissant, qui soulève de nouveaux défis. À Bordeaux, les rames de tramway qui circulent depuis le début des années 2000 s’usent deux fois plus vite que ce que l’on avait imaginé initialement. «Les lignes se sont allongées, la fréquence s’est renforcée, il va falloir remplacer les rames plus tôt que prévu», relate Gérard Chausset, vice-président (divers gauche) de la métropole bordelaise. Tout ceci coûte cher, d’autant que la plupart des collectivités rechignent à augmenter la contribution financière des usagers. Ainsi, depuis 25 ans, les tickets et abonnements ont moins augmenté que l’inflation, les revenus ou les loyers. «La question du financement, centrale, est en train d’émerger avec le débat sur la gratuité», observe Caroline Daude. La suppression de la billettique, ou la gratuité partielle réservée à certaines catégories de la population, envisagées par de très nombreux candidats aux municipales, met selon elle en péril les transports lourds. «À Dunkerque, on avait le choix entre faire un tramway ou faire la gratuité. On a choisi la gratuité», résumait, en juin, le maire (divers gauche) de cette ville, première agglomération d’envergure à avoir sauté le pas.

Malgré tout, l’édition 2020 des élections municipales sera l’occasion de trancher plusieurs dossiers, et de faire quelques constats. Le métro, tout d’abord, ne convainc plus grand monde, au-delà des lignes existantes, naturellement, et de la région parisienne où se construit le super-métro automatique Grand Paris Express. À Bordeaux, un collectif a tenté de convaincre les candidats d’équiper d’un métro l’agglomération, où circulent déjà quatre lignes de tramway. Mais le projet a été enterré, c’est le cas de le dire, par les élus, en raison du coût mais aussi de la transformation urbaine qu’implique l’arrivée d’un métro.

Le tramway, star des années 1990-2010, n’a en revanche pas totalement disparu des tablettes. Malgré un coût estimé à plus de 20 M€ le kilomètre, les maires sortants de Perpignan et Annecy veulent chacun le leur. À Paris, le candidat écologiste promet un «tramway reliant les gares». Plutôt que de promettre la gratuité aux usagers, le candidat LREM à la mairie de Strasbourg, Alain Fontanel, propose d’augmenter l’offre, en faisant notamment rouler le tramway la nuit. Le remplacement du tramway sur pneus, qui fonctionnait mal, par un réseau ferré, est au cœur des débats à Nancy. Le prolongement des lignes, à Grenoble, Montpellier ou Bordeaux, fait l’objet de quelques divergences entre les candidats. À Brest, la future deuxième ligne pourrait être remplacée par un trolleybus.

Pour décongestionner les métropoles, un nouvel outil fait également son apparition. Le «RER métropolitain», porté par quelques associations locales à Toulouse, Grenoble ou Rennes, vise à utiliser les voies ferrées existantes, de part et d’autres des gares centrales, pour desservir les communes de banlieue de manière régulière et fréquente, un peu à la manière du RER francilien. Ces projets se heurtent aux réticences de la SNCF et d’une partie des élus en charge des transports. Un premier pas est toutefois en passe d’être franchi, avec ce qu’on appelle «l’intégration tarifaire», l’accès aux trains desservant la métropole à l’aide de l’abonnement aux transports urbains.

Des projets post-électoraux

Même s’ils sont aujourd’hui réticents à mettre en place des transports lourds, les maires, une fois élus, ou réélus, pourraient changer d’avis. En effet, le gouvernement a promis de lancer un quatrième appel à projets pour les transports collectifs en site propre. En clair cela signifie que l’État va mettre 450 M€ sur la table, qui permettront aux collectivités, comme en 2009, 2011 et 2014, de candidater pour des projets destinés à être cofinancés par la région ou l’Europe. À défaut d’avoir été présentées avant les élections, les idées viendront peut-être après. Leur concrétisation dépendra toutefois, non pas des maires, mais des configurations intercommunales, des échelons encore méconnus par la majorité de la population, mais décisionnaires en matière de transport et d’urbanisme.

Olivier RAZEMON