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Emplois estivaux saisonniers en Moselle : il y a urgence !

La haute saison estivale approche à grands pas. À moins d’un mois de l’été, nombre d’entreprises mosellanes liées aux secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme peinent à trouver leur main-d’œuvre saisonnière. Cette pénurie rejoint, celle récurrente, constatée dans le bâtiment ou dans l’informatique. Pourquoi cette carence ? Comment l’endiguer ? Comment les potentiels recruteurs essaient malgré tout de dénicher du personnel dont ils ont absolument besoin et d’adapter leur outil de travail face à de nouvelles exigences des candidats ? Éléments de réponse avec William Legendre, CEO du cabinet de recrutement Optimiis. Un regard national et local éclairé et sans langue de bois.

Le chef cuisinier est un rouage prisé et majeur du restaurant. Nombre d'établissements les associent à leur direction pour les garder en poste.
Le chef cuisinier est un rouage prisé et majeur du restaurant. Nombre d'établissements les associent à leur direction pour les garder en poste.

«Chasseurs de tête». Le terme est connu depuis belle lurette dans l’écosystème du recrutement. Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de dénicher les talents, les perles rares pour une entreprise. Depuis 20 ans qu’il est spécialisé dans ce domaine, où comme dans celui des affaires, la discrétion est de mise, car gage d'efficacité et de crédibilité, William Legendre, CEO du cabinet de recrutement Optimiis, est l’un des témoins privilégiés, de par son expertise, d’un changement de paradigme : «Voilà encore quelques années, nos missions se concentraient sur des profils de cadres et commerciaux. Désormais, en plus, un nombre croissant d’entreprises, des TPE/PME, nous sollicitent car elles cherchent souvent durant des mois et en vain, des postes de chefs cuisiniers, de serveurs, de chauffeurs de camion longue distance. On trouve les mêmes difficultés dans les métiers du bâtiment, dans l’informatique pour des profils de développeurs, du personnel d’accueil dans l’hôtellerie. C’est également de plus en plus difficile de recruter également dans la viticulture et dans l’agriculture. Également, une pénurie est observée depuis deux à trois ans dans l'optique. La France forme 5 000 opticiens par an, il en faudrait minimum trois fois plus.»

Des milliers d'offres peinant à se pourvoir...

Ce constat que vit sur le terrain et auprès des chefs d’entreprise William Legendre, et l’effectif d’une cinquantaine de personnes du réseau Optimiis, on peut aisément le corroborer par les statistiques de Pôle emploi. L’organisme publie chaque année, par secteur d’activité, métier, bassin d’emploi son enquête Besoin en Main-d’Oeuvre (BMO), soit les projets d’embauches déposés par les chefs d’entreprise. Quand on entre dans le détail de ce tableau départemental, qui peut se voir comme un miroir de l’emploi, effectivement, les données sont parlantes. Ainsi, en Moselle, quant à ce BMO, on trouvait, pêle-mêle, 600 postes de conducteurs routiers à pourvoir, 980 de serveurs de restaurant, 680 de cuisiniers, 970 d'employés polyvalents de restauration, 400 dans l’hôtellerie. La litanie est longue de ces métiers en tension. On peut y adjoindre les milliers d’offres en jachère dans le département relatives aux métiers du bâtiment, couvreurs, maçons, charpentiers, ouvriers, chefs de chantier, électriciens, soudeurs… Si, au bout des fastidieux processus de recherche de candidat, la majorité des postes trouvent preneurs, ils sont cependant marqués, d’emblée par des taux de difficulté à les pourvoir de 75 % à 100 %. C’est dire, le long chemin, on dirait même le parcours du combattant, emprunté par pléthore d’employeurs.

«Trouver le talent là où il se trouve»

Parmi ce chapelet de métiers, un est particulier et saisonnier, symbolique d’une tendance de notre époque. William Legendre y revient : «Au moment de cueillir les mirabelles, d’aller dans les vignes, il n’y a plus personne ou presque...» Il résume la méthode Optimiis : «Nous employons une technique d’approche directe envers les candidats. Ce qui nous permet d’œuvrer sur tous types de secteurs, y compris ceux qui peuvent s’afficher comme pénuriques, et de proposer un recrutement personnalisé en fonction des besoins des entreprises à l’instant T. Notre vision, notre ambition est d’apporter un œil nouveau sur le recrutement qui est en constante évolution, Optimiis a su s’adapter aux tendances du marché. Nos équipes disposent d’une vision 360° leur permettant de cibler rapidement les bons profils. Il s’agit de trouver le talent où il se trouve.» Dès lors, on peut se poser la question. Pourquoi tous ces métiers en tension le demeurent-ils ? Avant de pousser son analyse plus en avant, William Legendre fait cet intéressant constat sociétal : «Le «quoi qu’il en coûte» nous a évité des vagues de démissions comme cela a été le cas dans d’autres pays. Le chômage partiel, les dispositifs utilisés durant la crise de la Covid-19, ont permis de préserver des entreprises et donc des emplois. Par contre, cela ne veut pas dire qu’à présent tout va repartir comme avant. C’est tout le contraire. Durant cette période de pandémie, lors du premier confinement notamment, nombre de salariés se sont interrogés sur leur rapport au travail, sur leurs motivations, leurs aspirations. Beaucoup se sont tournés vers l’entrepreneuriat...»

Une autre vision du travail...

Cette introspection personnelle en forme de psychanalyse collective, cette nécessité de s’accomplir, cette quête de sens, continuent de traverser les strates de la société. Le rapport au travail, donc, a été profondément chamboulé dans l’esprit de nombreux salariés. Le leitmotiv observé : une meilleure harmonie entre vie privée et vie professionnelle. Ce sentiment prégnant et celle d’une aspiration forte ruissellent aussi bien dans le cercle même de l’entreprise que dans le conscient des personnes en recherche d’opportunité et de rebond. William Legendre poursuit : «la question salariale reste centrale dans une collaboration professionnelle. Dans son approche, Optimiis joue ce rôle de négociateur, de régulateur entre le potentiel employeur et le potentiel recruté. Le deuxième point, essentiel, concerne les conditions de travail. Le meilleur exemple est celui de la restauration. Les établissements ouverts six jours sur sept, c’est un modèle finissant. Les chefs d’entreprise se trouvent ici face à des candidats exigeants qui n’entendent pas sacrifier leur espace privé au profit de celui du travail. Il faut donc des horaires adaptés, équilibrés. Les professionnels de la branche n’ont d’autres alternatives que d’évoluer. Sans quoi, ils seront en pénurie perpétuelle de salariés.» Face à des besoins urgents de recrutement, l’UMIH, principal syndicat patronal dans l’hôtellerie-restauration, se tourne vers les pays du Maghreb pour embaucher, en formant sur place du personnel qui vient ensuite travailler en France. «La formation est au centre de tout», argumente, fort à proposer, William Legendre.

Des entreprises sociétales...

Il est évident, on ne recrute plus actuellement comme hier. Salaires, conditions de travail : pas seulement. La jeune génération de salariés souhaite évoluer dans un cercle entrepreneurial mobile et flexible, au niveau des horaires de travail, de cette possibilité de réaliser ses missions dans des conditions variées (bureau, télétravail, coworking). Plus que tout, ces néo-collaborateurs veulent que leur entreprise délivre un message fort, soit consciente des enjeux sociaux et environnementaux, de l’égalité entre hommes et femmes… et agisse concrètement pour ces causes. Dans les codes établis, il est d’un juste usage que l’entreprise utilise comme vecteur de recrutement la propension du candidat à exprimer et démontrer son savoir-faire et son savoir-être. Lequel candidat, à présent, en demande autant à son possible employeur. Ce n’est pas là la moindre des mutations du marché du travail. Au demeurant, la problématique est similaire, qu’il s’agisse d’un emploi durable ou saisonnier, il reste, aux côtés des aspects techniques, une large part de feeling, voire de séduction... C'est là un point rassurant. L'essentiel reste à l'humain...

«L'exigence du candidat à un emploi est de préserver sa vie privée par rapport à sa vie professionnelle», observe William Legendre, CEO du cabinet de recrutement Optimiis.