L'immobilier retrouvera-t-il sa croissance ?

L'immobilier retrouvera-t-il sa croissance ?

Après dix ans de croissance, l’immobilier fait face à un bouleversement du marché pour les professionnels et une crise socio-économique susceptible de décourager les ménages, d’après la Fnaim. Le déconfinement a toutefois marqué un regain d’activité.

La fête est terminée : la forte croissance du marché immobilier, qui dure depuis une dizaine d’années, a été stoppée net par la pandémie. En dépit d’un redémarrage encourageant, les professionnels subissent de plein fouet la crise et sont confrontés à l’avenir, incertain. Tel est le constat établi le 30 juin, lors d’une conférence de presse, par la Fnaim, Fédération nationale de l’immobilier. Avec, à l’appui, deux sondages Ifop respectivement menés auprès des particuliers et des professionnels, à la sortie du confinement.

Tout d’abord, durant cette phase particulière, «le marché a été mis en pause forcée», explique Loïc Cantin, président adjoint de la Fnaim. Entre mars et mai, le nombre de transactions immobilières a chuté de 80 %. À la fin du mois d’avril 2020, le nombre total de ventes recensées sur douze mois s’est établi à 973 000, soit une baisse de 8,6 % par rapport à décembre 2019. Résultat : «il y aura, sans hésitation possible, une baisse des volumes d’activité et de transactions en 2020»,  annonce Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim. Parmi les indicateurs qui façonnent le marché immobilier, en effet, des signaux positifs et d’autres plus inquiétants se conjuguent pour dessiner un contexte nouveau.

Bonne nouvelle, les Français continuent de s’intéresser à l’immobilier : si l’indice de confiance des ménages a chuté, il atteint 97 en juin, un niveau très largement supérieur à celui observé en 2008, au moment de la crise financière, où il était descendu à 82. Pour autant, le contexte rend les Français prudents. Par exemple, ils ne sont plus que 62% à trouver pertinent de vouloir devenir propriétaire pour la première fois (contre 77 %, en 2019 et 2018), 50 % pour investir dans de l’immobilier locatif et 46% pour acheter une résidence secondaire. Ce dernier taux reste stable. «L’envie de vert, d’une résidence secondaire reste bien orienté», commente Jean-Marc Torrollion.  Mais 41% des Français qui avaient un projet immobilier avant le confinement l’ont abandonné. Quant à leur envie de changer de vie, fruit de l’expérience inédite de la pandémie, «ne sur-estimons pas le phénomène (…). La période de confinement a généré une envie de changement de domicile, qui ne s’exprime pas seulement en maison individuelle, mais qui ne date pas d’aujourd’hui », pointe Jean-Marc Torrollion. Seuls 18% des Français expriment ce souhait.

Autre changement de taille, sur le marché, la dynamique de hausse exceptionnelle qui précédait la pandémie devrait être stoppée. Pour la suite, c’est une «stabilité des prix» qui est à l’ordre du jour, d’après Loïc Cantin. En revanche, «les conditions d’accès au crédit sont en train de se resserrer», estime Jean-Marc Torrollion. En effet, les taux d’intérêt ne devraient pas évoluer à la hausse, mais demeurer contenus entre 1 et 1,50%, d’après les prévisions de la Fnaim. En revanche, les banques pourraient durcir leurs conditions d’obtention des crédits, sous l’effet du taux d’usure et des recommandations du HCSF, Haut Conseil de stabilité financière. «Pour l’instant, le taux de refus est encore assez stable, mais le délai s’allonge», estime  Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi,courtier en prêt immobilier et rachat de crédits.

Le marché professionnel chamboulé

Concernant l’immobilier d’entreprise aussi, durant la pandémie,«tout a été arrêté» constate  Marie-Laure De Sousa, présidente de Fnaim Entreprises. Les entreprises ont cessé leurs recherches. Au 15 juin, le marché était en recul de 40% par rapport à 2019, en dépit d’une importante transaction du groupe Total à la Défense. Résultat, «2020 sera une année très particulière. Les entreprises doivent prendre du temps pour réfléchir à leur nouveau modèle, savoir quoi faire. Donc, cela va retarder les projets jusqu’en 2021», analyse Marie-Laure De Sousa. Car la pandémie a eu deux effets. D’une part, elle a probablement engendré un boom inédit de la pratique du télétravail. D’autre part, la crise qu’elle engendre impose aux entreprises de diminuer leurs frais de fonctionnement. Or, l’immobilier constitue pour elles le deuxième poste de gestion. Toutefois, une minorité d’entreprises (28 %) envisage une réduction de leurs espaces, d’après la Fédération. En revanche, «on peut s’attendre à une  mutation profonde dans la manière dont les entreprises travaillent», commente Marie-Laure De Sousa qui anticipe une «vraie mutation de l’outil immobilier». Ce dernier va devoir répondre à des besoins nouveaux : devenir des endroits dotés de plus d’espaces collaboratifs, très digitalisés, où l’on se retrouve, où on présente des projets à des collaborateurs ou à des clients…

Autre paramètre, le bilan carbone des immeubles, sur lesquels on peut s’attendre à plus d’exigences. En dépit des profonds changements attendus, la Fnaim n’anticipe pas de baisse des prix, en raison de stocks disponibles très limités. Paris intramuros affiche un taux de vacance de l’ordre de 1,5%.  Ailleurs, en revanche, comme dans la petite couronne autour de Paris, il existe plus de marges pour les négociations.

Anne DAUBREE 

Des agences fragilisées : La Fédération de l’immobilier a également dressé un état des lieux de la profession.

De mars à avril, «nous avons perdu 150 000 transactions», estime Jean-Marc Torrollion. Cela représente plus de 400 millions de trésorerie pour les quelque 29 000 entreprises (plus 60 000 agents commerciaux indépendants) que compte le secteur. Bilan : une baisse de plus de 15% des comptes d’exploitation pour près des trois quarts des entreprises du secteur. Durant le confinement, une proportion similaire de ces sociétés a recouru au chômage partiel, pour 60% de leurs effectifs. Et aujourd’hui, en dépit de la reprise d’activité du mois de mai, 18% d’entre elles envisagent des licenciements.  Au total, ce sont 3 000 agences et 20 000 emplois qui sont menacés. La Fnaim alerte tout particulièrement sur le cas des agences spécialisées dans la location saisonnière. Celles-ci prévoient une baisse de 40 % de leur chiffre d’affaires annuel. Au global, la Fnaim en appelle au gouvernement, notamment pour que le crédit demeure accessible aux ménages. Et il met en garde contre la «tentation» de taxer la pierre, ce qui pénaliserait le marché.